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Les Chroniques

Les Années Dior

Yves Saint Laurent au balcon de la maison Christian Dior après la présentation de sa collection "Trapèze", 30 avenue Montaigne, Paris, 30 janvier 1958. Photographie de Louis Dalmas.
© Philippe Dalmas / SIPA Press
Yves Saint Laurent au balcon de la maison Christian Dior après la présentation de sa collection "Trapèze", 30 avenue Montaigne, Paris, 30 janvier 1958. Photographie de Louis Dalmas.
© Philippe Dalmas / SIPA Press

Les Années Dior

En septembre 1954, âgé de 18 ans et tout juste bachelier, Yves Saint Laurent quitte Oran pour Paris. Élève de l’École de la Chambre Syndicale de la haute couture, il n’y passe que quelques mois. Moins d'un an après son arrivée dans la capitale française, il entre au studio de Christian Dior et, au décès de ce dernier en 1957, lui succède devenant à 21 ans, le plus jeune couturier du monde.

Chapitre 1

Passez votre bac...

Yves Saint Laurent posant avec le croquis du modèle qui lui permis de remporter le 3ème prix
Yves Saint Laurent posant avec le croquis du modèle qui lui permis de remporter le 3ème prix "Robe" au Concours du Secrétariat international de la Laine, Paris, 1953.
© AP/SIPA

Grâce aux relations de son père, Yves Saint Laurent fait en 1953 la rencontre de Michel de Brunhoff, rédacteur en chef du magazine Vogue (Paris). Les deux hommes entretiennent une relation épistolaire jusqu’en 1955. Encouragé à d’abord « passer son bac », Yves Saint Laurent n’en sollicite pas moins les conseils avisés de Michel de Brunhoff concernant son avenir professionnel.

Comme vous me l’aviez recommandé, je peins énormément mais je continue aussi à dessiner des maquettes de décors, de costumes ainsi que des modèles de robes que je vous enverrai bientôt.
Lettre d’Yves Saint Laurent à Michel de Brunhoff, circa juin 1954

Chapitre 2

De ma vie je n’ai rencontré quelqu’un de plus doué

En juin 1955, Yves Saint Laurent, alors élève de l’École de la Chambre Syndicale de la haute couture, revoit Michel de Brunhoff et lui présente une cinquantaine de croquis récents. Frappé par le talent du jeune homme et par la ressemblance de ses dessins avec les modèles en A de Dior, Michel de Brunhoff organise une rencontre avec ce dernier au 30 avenue Montaigne. Yves Saint Laurent est embauché sur-le-champ au studio du couturier.

Le couturier Christian Dior dans sa maison de Milly-la-Forêt. Photographie d'André Ostier., © Les ayants droits d'André Ostier
Le couturier Christian Dior dans sa maison de Milly-la-Forêt. Photographie d'André Ostier.
© Les ayants droits d'André Ostier
De ma vie je n’ai rencontré quelqu’un de plus doué, si le petit un jour devient grand, vous penserez à moi…
Michel de Brunhoff à Edmonde Charles-Roux, journaliste qui lui succèdera à la tête du prestigieux magazine Vogue (Paris), 1955

Chapitre 3

L’École Dior

Pendant plus de deux ans, Yves Saint Laurent va apprendre, au côté du maître Christian Dior, tous les secrets du métier de couturier. De croquis en toiles et de toiles en essayages s’élaborent des collections de quelques 200 modèles. Il se voit d’abord confier la charge de décorer les boutiques. Il participe aussi à la confection de nombreuses robes de haute couture. Yves Saint Laurent gagne très rapidement la confiance de Christian Dior qui lui donne de plus en plus de responsabilités. “Il m’a appris l’essentiel, écrit Yves Saint Laurent en 1986, puis vinrent d’autres influences qui, parce qu’il m’avait appris l’essentiel, se fondaient dans cet essentiel et trouvaient là le terrain merveilleux et prolifique, les semences nécessaires qui allaient me permettre de m’affirmer, de me fortifier, de me déployer, de respirer enfin mon propre univers”.

Yves Saint Laurent est jeune, mais il a un immense talent. Dans ma dernière collection, j’estime que sur 180 modèles, il y en a 34 dont il est le père. Je pense que le moment est venu de le révéler à la presse. Mon prestige n’en souffrira pas.
Christian Dior à Jacques Rouet, en juillet 1957

Chapitre 4

Le temps des rencontres

Yves Saint Laurent, Zizi Jeanmaire et Marius Constant lors des répétitions du ballet Cyrano de Bergerac, Théâtre de l'Alhambra, Paris, 1959. Photographie de Serge Lido., © Serge Lido - DR
Yves Saint Laurent, Zizi Jeanmaire et Marius Constant lors des répétitions du ballet Cyrano de Bergerac, Théâtre de l'Alhambra, Paris, 1959. Photographie de Serge Lido.
© Serge Lido - DR

Chez Dior, Yves Saint Laurent fait des rencontres qui marqueront sa vie. Anne-Marie Muñoz qui travaille également au studio devient une amie fidèle qui le suivra comme collaboratrice durant toute sa carrière. Le couturier se lie également d’amitié avec le mannequin Victoire Doutreleau qui accompagnera les débuts de la maison de couture. Alors qu’il participe activement à la décoration de la boutique du 15 rue François Ier, pour laquelle il dessine des cartes de vœux et des modèles spéciaux appelés « zinzins », il fait la connaissance du couple de sculpteur François-Xavier et Claude Lalanne avec qui il collaborera et dont il collectionnera les œuvres. Il fait aussi la rencontre de Zizi Jeanmaire et Roland Petit dont il sera maintes fois le costumier et le décorateur.

Chapitre 5

Le décès de Christian Dior

Le 24 octobre 1957, Christian Dior décède d’une crise cardiaque alors qu’il se trouve en cure à Montecatini en Italie. Conformément à son souhait, Yves Saint Laurent, alors âgé de 21 ans, lui succède et est nommé directeur artistique de la maison de couture.

Si les deux hommes ne se connaissent pas encore, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé sont pourtant tous deux présents à l’enterrement de Christian Dior. Pierre Bergé et son compagnon, le peintre Bernard Buffet, étaient en effet des amis intimes de Christian Dior. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’ils feront enfin connaissance.

Pierre Bergé et Yves Saint Laurent présents aux obsèques de Christian Dior, Callian (Var), octobre 1957. Photographie de Jack Garofalo., © Jack Garofalo/Paris Match/Scoop
Pierre Bergé et Yves Saint Laurent présents aux obsèques de Christian Dior, Callian (Var), octobre 1957. Photographie de Jack Garofalo.
© Jack Garofalo/Paris Match/Scoop

Audio
Pierre Bergé, Entretiens avec Joëlle Gayot, À Voix Nue France Culture, Juillet / Août 2016

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Pierre Bergé, Entretiens avec Joëlle Gayot, À Voix Nue France Culture, Juillet / Août 2016

Chapitre 6

Une première collection très attendue

Alors que le monde de la couture pleure encore la disparition de Christian Dior, Yves Saint Laurent n’a que quelques mois pour préparer la collection du printemps-été 1958 dont la présentation est prévue le 30 janvier. Il s’envole pour Oran comme à son habitude lorsqu’il réalisait les croquis qu’il présentait ensuite à Christian Dior. En quinze jours jaillissent plus de 600 dessins.

Il est revenu début décembre. Dans cette première valise, il y avait tout. La rigueur. La ligne. La transparence. Un jet.
Anne-Marie Muñoz

Chapitre 7

Un souffle de jeunesse

Jeudi 30 janvier 1958 à 10h, la première collection d’Yves Saint Laurent pour Christian Dior est sur le point d’être présentée. Tout le monde est impatient, de la presse internationale à Pierre Bergé qui assiste, avec Bernard Buffet, à son premier défilé de mode.

Une heure plus tard, c’est l’ovation. La presse est euphorique et tente d’immortaliser les premiers pas du “Petit Prince de la mode”, tandis que des grappes d’admiratrices pleurent de joie.

Les modèles sont épurés avec des lignes de construction géométriques. La silhouette se détache de celle du New Look défini par Dior en 1947. Les robes ne suivent plus le corps, elles flottent tout autour en s’appuyant davantage sur les épaules que sur la taille. Elles sont aussi plus légères.

Chapitre 8

Rencontre officielle avec Pierre Bergé

Lilia Ralli, Yves Saint Laurent, Pierre Bergé, Edouard Dermit et Jean Cocteau (debout, se reflétant dans le miroir), après le premier récital de Maria Callas à Paris, Opéra Garnier, 19 décembre 1958., © Droits Réservés
Lilia Ralli, Yves Saint Laurent, Pierre Bergé, Edouard Dermit et Jean Cocteau (debout, se reflétant dans le miroir), après le premier récital de Maria Callas à Paris, Opéra Garnier, 19 décembre 1958.
© Droits Réservés

C’est à l’occasion d’un dîner à la Cloche d’or, rue Mansart, quelques jours après la présentation de la collection,  qu’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé vont véritablement faire connaissance. Marie-Louise Bousquet, en charge de l’édition française de Harper’s Bazaar, organise ce dîner auquel Raymonde Zehnacker et Bernard Buffet participent également.

Chapitre 9

Le couturier beatnik?

De 1958 à 1960, Yves Saint Laurent réalise six collections chez Dior. Avec lui, « la ligne se perd au profit du style » comme l’annonce le communiqué de presse de la troisième collection. Le couturier imagine des vêtements pour les femmes de sa génération et s’éloigne des diktats de l’élégance bourgeoise des années 1950.

Les actualités françaises, mars 1960

Sa dernière collection  baptisée « Souplesse, Légèreté, Vie » est très sombre privilégiant le violet et le noir. On y voit notamment un blouson en cuir façon crocodile et des cols roulés si bien qu’Yves Saint Laurent apparaît fantasque et provocateur ce qui explique en partie pourquoi sa collection, pour la première fois, ne fait pas l’unanimité.

Chapitre 10

Une page se tourne

Yves Saint Laurent, maison Christian Dior, 30 avenue Montaigne, Paris, 1959. Photographie d'André Ostier., © Les ayants droit d'André Ostier
Yves Saint Laurent, maison Christian Dior, 30 avenue Montaigne, Paris, 1959. Photographie d'André Ostier.
© Les ayants droit d'André Ostier

Le 1er septembre 1960, alors que le conflit s’intensifie en Algérie, Yves Saint Laurent est appelé sous les drapeaux. Terrassé par une dépression, il est hospitalisé au Val-de-Grâce. La maison Dior décide de le licencier et choisit Marc Bohan pour le remplacer. Mais lorsque Pierre Bergé vient annoncer cette nouvelle à Yves Saint Laurent, ce dernier lui dit : “Nous allons créer une maison de couture toi et moi, et tu la dirigeras”, et Pierre Bergé répond : “C’est ce que nous allons faire”. Et c’est ce qu’ils ont fait.