Yves Saint Laurent - Pierre Bergé, une passion marocaine
En 1966, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé se rendent pour la première fois au Maroc. À Marrakech, ils passent des jours heureux et prennent l’habitude de s’y rendre plusieurs fois par an. Yves Saint Laurent puise sur place l’inspiration pour ses collections. Avec Pierre Bergé, ils ne cesseront de s’investir activement en faveur du Maroc. Le célèbre Jardin Majorelle et le musée YVES SAINT LAURENT marrakech sont les deux témoins de leur « passion marocaine »
Chapitre 1
Le miracle de Marrakech
En février 1966, Pierre Bergé et Yves Saint Laurent atterrissent à Marrakech. Ils séjournent à La Mamounia, aujourd’hui un complexe luxueux, qui a l’époque n’était qu’un palace désuet. C’est ce charme sans prétention qui plaît au couple. Pourtant, la pluie ne cesse de tomber pendant les premiers jours.
Un matin, nous nous sommes réveillés et le soleil était là. Le soleil marocain qui fouille les recoins. Les oiseaux chantaient, l’Atlas barrait de neige l’horizon, les odeurs de jasmins montaient dans notre chambre. Ce matin là nous ne l’avons pas oublié puisque, d’une certaine manière, il a décidé de notre destin.Pierre Bergé, Une passion marocaine, Editions de La Martinière
En effet, Pierre Bergé et Yves Saint Laurent repartent avec l’acte de vente de leur première demeure marocaine : Dar el-Hanch.
Chapitre 2
Dar el-Hanch
C’est dans la médina que Pierre Bergé et Yves Saint Laurent achètent leur première maison. Celle-ci porte un nom, Dar el-Hanch, la « Maison du Serpent » en arabe. Un serpent, le couturier en dessine un grand sur le mur de leur salle à manger. Ce motif orne également les lettres et cartes de vœux qu’il adresse à ses amis.
Dar el-Hanch était une petite maison que nous avions meublée simplement avec des tables et des fauteuils trouvés aux souks. Elle donnait sur un terrain vague qu’on appelait le jardin du citron. Par-derrière, un derb conduisait à la mosquée Bab Doukkala. Nous avons passé des moments très heureux dans cette maison.Pierre Bergé, Une passion marocaine, Editions de La Martinière
Chapitre 3
La révélation de la couleur
Yves Saint Laurent est né en 1936 à Oran, en Algérie. C’est donc l’Afrique du Nord qu’il retrouve 30 ans plus tard, et avec elle cette lumière si particulière qui lui révèle la couleur. Pour Yves Saint Laurent, le Maroc devient une source d’inspiration intarissable. Il y revient donc deux fois par an, en décembre et en juin, pour dessiner ses collections, dans lesquelles désormais la couleur est maîtresse.
C’est alors que je suis devenu plus sensible à la lumière et aux couleurs, que j’ai remarqué surtout la lumière sur les couleurs […], à chaque coin de rue à Marrakech, on croise des groupes impressionnants d’intensité, de relief, des hommes et des femmes où se mêlent les caftans roses, bleus, verts, violets.Entretien avec Yvonne Baby, « Yves Saint Laurent au Metropolitan de New York. Portrait de l’artiste », Le Monde, 8 décembre 1983
Chapitre 4
Talitha, Loulou, Andy et les autres
C’est pendant les swinging sixties que Marrakech a délaissé son statut de belle endormie pour devenir l’une des villes les plus festives du monde. La ville ne compte que quelques bars, mais c’est dans les plus belles propriétés que l’on se donne rendez-vous, et en particulier chez Paul et Talitha Getty, l’un des premiers couples à s’installer sur place. Ils y invitent de nombreux amis, et font la connaissance d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, qui eux-mêmes constituent leur propre cercle, où l’on retrouve les Getty, Fernando Sanchez, Loulou de La Falaise, mais également Andy Warhol et Mick Jagger.
Chapitre 5
Dar Es Saada
En 1974, Pierre Bergé et Yves Saint Laurent vendent Dar el-Hanch à leur ami Fernando Sanchez et achètent une maison qui porte le nom de Dar Es Saada, la « maison du bonheur dans la sérénité », située dans le quartier de Guéliz, à proximité du Jardin Majorelle.
Chapitre 6
La Villa Oasis et le Jardin Majorelle
En 1980, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé apprennent que le Jardin Majorelle, qu’ils fréquentent régulièrement, est menacé par un projet immobilier. Afin de le sauver, ils décident de s'en porter acquéreurs, ainsi que de la villa attenante.
Cet endroit est né de l’imagination de Jacques Majorelle, fils de l’ébéniste et décorateur nancéen Louis Majorelle, qui devient propriétaire d’un terrain à Marrakech dans lequel il fait bâtir par l’architecte Paul Sinoir un atelier de style Art Déco en 1931. Mais surtout, il y entretient pendant près de quarante ans un jardin dont les plantes viennent des cinq continents.
Yves Saint Laurent et Pierre Bergé chargent Bill Willis de la rénovation de la villa, qu’ils nommeront « Villa Oasis ». Ils lui confient également la décoration de l’atelier, dans lequel ils aménagent un musée d’art islamique.
Réaménagé en 2000 par Madison Cox, le jardin est aujourd’hui l’un des lieux les plus visités du Maroc, puisque près de 800 000 visiteurs s’y rendent chaque année.
Chapitre 7
Tanger, la ville qui tend la main à l’Europe
Durant les premières années, le couple visite le reste du pays, et notamment Tanger. Ils y achètent finalement en 1999 la Villa Mabrouka, la « maison de la chance », afin d’y passer les étés, moins chauds qu’à Marrakech.
Le thème est celui d’un Anglais excentrique des années cinquante venu vivre à Tanger. Yves voulait du chintz, et une seule couleur par salon : un salon bleu, un jaune. C’était comme pour décorer une maison pour les personnages d’une pièce de Tennessee Williams.Jacques Grange, Les Paradis secrets d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé
Pierre Bergé contribue également à la sauvegarde de la Librairie des Colonnes de Tanger, épicentre culturel de la ville qui s’apprêtait à fermer ses portes en 2010. Ancien comptoir méditerranéen, artistes et écrivains venaient séjourner dans cette ville qui fascine. Parmi eux, Henri Matisse, Samuel Beckett, Jean Genet, Tennessee Williams, Truman Capote, William Burroughs, ou encore Jimi Hendrix.
Je suis partout chez moi, je me sens heureux dans tout le pays, plus encore à Tanger. Une ville multiculturelle, où le Maroc regarde l’Espagne et tend la main à l’Europe.Pierre Bergé, Interview pour le Magazine du Monde, décembre 2011
Chapitre 8
Une collection d’art berbère
Très tôt, Pierre Bergé et Yves Saint Laurent s’intéressent également à la culture berbère. Les Imazighen, ou Berbères, sont une des populations les plus anciennes du Maghreb.
La reconnaissance de cette culture s’est faite attendre, mais dans son discours du 9 mars 2011, Sa Majesté Mohammed VI, roi, du Maroc, a évoqué la « berbérité, patrimoine commun de tous les marocains ». Dans ce contexte, en décembre 2011, le musée d’art berbère remplace le musée d’art islamique au sein du Jardin Majorelle, dans l’ancien atelier du peintre. Les 600 objets qu’on y trouve sont ceux de la collection léguée par Pierre Bergé.
Chapitre 9
Les honneurs
En 2001, Yves Saint Laurent et Pierre Bergé décident de créer la Fondation Jardin Majorelle, reconnue d’utilité publique dix ans plus tard. La fondation soutient aujourd’hui de nombreuses structures culturelles ou éducatives, ainsi que des associations oeuvrant dans la lutte contre certaines maladies. En 2016, Sa Majesté le Roi du Maroc Mohammed VI a décerné à Pierre Bergé la distinction de Grand-Croix de l'Ordre du Ouissam Alaouite pour les services éminents rendus au Royaume du Maroc.
Chapitre 10
2017, un musée Yves Saint Laurent à Marrakech
En 2010, le Jardin Majorelle accueille dans l’atelier du peintre l’exposition « Yves Saint Laurent et le Maroc » qui remporte un grand succès. Cette exposition voulue par Pierre Bergé est un hommage d’Yves Saint Laurent au Maroc et plus particulièrement à Marrakech, dont les habitants, les couleurs et la lumière l’ont tant inspiré.
Lorsque Yves Saint Laurent découvrit Marrakech en 1966, ce fut un tel choc qu’il décida tout de suite d’y acheter une maison et d’y revenir régulièrement. Il est donc parfaitement naturel, cinquante ans après, d’y construire un musée consacré à son oeuvre qui doit tant à ce pays.Pierre Bergé, Dossier de presse du musée YVES SAINT LAURENT marrakech, juin 2017